Les critiques :
André RUELLAN
Charles MADÉZO
René GUIGNARD
Denise DELOUCHE
Yvon EURIEULT
Jacques JACOB
Charles JULIET
Alain LE BEUZE
Brigitte LE CAM
Renée Samouël
Claire Raffenne

 

Une œuvre à remonter le temps

II faut aller chez Jean-Pierre Baillet comme je l'ai fait, un matin de début d'été étonnamment chaud, tourner dans Plouay, à la recherche d'une hypothétique pancarte « Lanvaudan », comme si le hameau voulait se cacher du monde, se faufiler sur une petite route tortillante et abritée de frondaisons jusqu'aux abords de l'église du village et se demander là si cette petite route n'était pas un chemin à remonter le temps dont la première halte m'aurait menée à une journée du XVIIème siècle d'un hameau endormi de chaleur.

On ne s'étonnera pas alors qu'à cette étape d'un parcours à l'envers du temps, Jean-Pierre Baillet m'ait accueillie au seuil d'un ancien presbytère, restauré de ses mains, et qu'entraînée par lui dans son atelier, les premiers mots qui me soient venus à l'esprit face à ses œuvres soient « palimpseste », « manuscrit », « grimoire », comme une porte tout à coup entrouverte sur un secret enfoui de l'univers.

Qu'on ne se méprenne pas, il ne s'agit pas d'une oeuvre passéiste ou ésotérique mais bien d'art contemporain vivant, dont la vie passe par un cheminement au milieu des traces et des strates.

La genèse de chaque toile de Jean-Pierre Baillet montre une élaboration où le temps entre comme une matière à travailler au même titre que les couleurs, fabriquées à l'ancienne par un mélange de pigment et de colle de peau, couleurs passées couche après couche sur le support de papier kraft, avec entre chaque strate, un temps de séchage, de repos, de silence, et petit à petit la sédimentation prend forme, comme un schiste pigmenté.

Mais ce n'est là qu'une première étape dans cette substantiation du temps : la construction de l'œuvre passe en effet par une déconstruction apparente. Commence alors le travail d'usure, le grattage des couches sédimentaires jusqu'au moment où apparaissent plis, transparences, stigmates, jusqu'au moment où surgit une lumière parfois quasi-imperceptible, à l'état elle aussi de trace, parfois plus éclatante, mais toujours associée à des effets de reliefs, de griffures, de lignes qui l'animent. Une lumière vivante en somme, comme si, dans sa démarche de traversée du temps, Jean-Pierre Baillet avait pris à rebours l'exclamation de Macbeth : « Demain, puis demain, puis demain, rampe à petits pas, de jour en jour, jusqu'à la dernière syllabe du souvenir; et tous nos hiers ont éclairé pour des fous le chemin vers la poussière de la mort. Eteins-toi, éteins-toi, court flambeau. » et retrouvé une invisible source.

Brigitte LE CAM
Directrice de la Mission Culturelle de l'Université de Bretagne Occidentale
Novembre 2004

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