Les critiques :
André RUELLAN
Charles MADÉZO
René GUIGNARD
Denise DELOUCHE
Yvon EURIEULT
Jacques JACOB
Charles JULIET
Alain LE BEUZE
Brigitte LE CAM
Renée Samouël
Claire Raffenne

 

En passant par la Bretagne…

De ci, de là, naviguant, entre les trois expositions de Jean-Pierre Baillet : à Saint-Malo, « Ombre et Lumière » Rennes : Ikkon, Le Galopin ,« Ombre et Lumière », Rue de Bertrand !)

Le dialogue : matière / couleur ; en chemin vers la mouillature. « physique de l’humectation : l’accrochement, la causation ne joue pas. »

Ce sont d’abord des couleurs chaudes, riches, qui s’imposent, des surfaces vibrantes, animées. Les « lumières du dedans », couches premières, qui résistent, transpercent et les matières recouvrantes s’unissent dans un seul tumulte. Le proche et le lointain se rejoignent, se révèrent et se confondent dans le flux lumineux de l’instant. La couleur n’est jamais pure, les rouges flamboyants sont animés des relents de jaune, contrariés par les traînées ou les surfaces de gris ou de bleu. Parfois les jaunes et les rouges luttent à parts égales. Jaunes éclaboussés de rouges ou rouges éclaboussés de jaune : l’éclaboussure vient du dedans. La lumière palpite dans le corps même de la matière. La force abrupte de la lumière frétille de trop de présence dans la matière exacerbée. L’exaltation de la couleur, la force lumineuse prennent le siège, avec l’arrogance du feu, devant la matière qu’elles tiennent captive. La fournaise nous assaille d’une brillance sans répit.
La virulence de cette face solaire s’apaise, sans perdre de sa force, au contraire, dans les tableaux peut-être plus récents, où les bleus, les gris, les verts deviennent dominants. Le scintillement de la lumière aux aspects changeants donnent le ton à l’ensemble. La matière reprend ses droits : matière et couleurs co-existent, nous laissant appréhender ces amples retours qui viennent du dedans.
Dans les « Noirs », la matière s’allège jusqu’à frôler une transparence, une liquidité. Elle est trempée. Le noir se dématérialise et respire de toute la surface. Une coulée, un flux donne à la matière mouillée sa qualité changeante, légère, estompée et lisse. La brillance est devenue fluide, douce, laissant place entière à celui qui regarde  lui ouvrant l’espace du miroir qui luit. C’est là qu’est le plus sensible, la citation de la pierre, de l’ardoise, pierre feuilletée, écritoire. Attente.

Le support lui-même semble résister à ce traitement de la matière ! il regimbe, il resurgit sur les bords, évoquant son origine – citation à peine lisible : l’ardoise, la pierre, le bois ? Mais des supports d’écritures sont là, préparés, ou bien témoins de signes anciens, restes de griffures, vieilles traces oubliées qui ont su résister à l’usure.
Le livre n’est pas absent : ouvert et renversé souvent, il s’érige dans sa forme haute, rejoignant le papyrus ou la pierre levée de Bretagne. Le feuilleté de la pierre qui apparaît insidieusement sur certains bords n’est pas sans rappeler la tranche du livre ouvert.
Puisque « tout œuvre est un déclaration sur ce qui nous est inconnu », puisse notre regard nous redonner un peu de ce saisissement d’existence.

Renée Samouël

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